Avec son époux, Sophie Gautié tient une modeste auberge au Bourg, un paisible village du Lot, entre Cahors et Figeac. Petite, à l’apparence frêle, Sophie aime faire la fête avec ses clients. Et la gnole aidant, il peut lui arriver de finir dans leur lit. De quoi mettre de la graisse de canard dans ses topinambours. Son mari Boyou, épousé en secondes noces, ferme les yeux tant que l’auberge est fréquentée. De temps à autre, la Gautié tombe enceinte, forcément. À dix reprises, elle accouche. Mais le bon petit Jésus a la bonté d’appeler à lui sept des charmants bambins avant l’âge d’un an. Alléluia ! Cette hécatombe n’intrigue pas trop le voisinage, la mortalité infantile au XIXe siècle étant fréquente.En juin 1875, le fils aîné de la mère Gautié, né d’un premier mariage, se meurt à l’auberge. Victime de la tuberculose, il crache ses dernières alvéoles. Il est veillé par son épouse, qui a accouché trois mois auparavant. C’est la mère Gauthié qui prend soin du nourrisson nommé Élisa. Un jour, elle sort affolée de sa chambre en hurlant : « Ahhhh ! Élisa ne respire plus. Elle est morte ! » Le médecin, appelé en urgence, ne peut que constater le décès de la petite. À première vue, rien ne peut expliquer cette mort soudaine. Le père, qui a été délaissé, en profite pour prendre lui aussi la poudre d’escampette du côté du ciel, deux heures après sa fille.Dans le village, ce double décès fait bavarder. Le fils, on l’admet, on connaît les ravages du mal de poitrine, mais la petite Élisa ! C’est le huitième bébé à mourir à l’auberge. Pas normal du tout, millediou de millediou ! La mère Gautié aurait-elle été capable de tuer ses enfants ? La rumeur court, la rumeur enfle. C’est alors que certaines commères se rappellent des menaces de mort proférées par la femme aubergiste à l’encontre de sa bru qu’elle accuse de guetter son héritage.Ces accusations finissent par tomber dans les oreilles des gendarmes, lesquels ordonnent d’exhumer le corps de la petite Élisa, mais aussi celui de la petite Marie, fille de Sophie enterrée deux mois plus tôt. Avec une grande émotion, le médecin légiste qui pratique l’autopsie découvre dans les petits corps des aiguilles à repriser la laine et des fragments d’aiguille à tricoter. Les deux fillettes ont été assassinées ! Et par qui ? Par la mère Gautié, pardi. Il n’y a qu’elle qui a pu faire cela.Les pandores l’arrêtent aussitôt. Durant son interrogatoire, elle reconnaît les meurtres d’Élisa et de Marie, mais nie celui de ses précédents bébés. La seule excuse qu’elle trouve est pitoyable. Elle accuse sa belle-fille d’avoir couché avec son époux. « J’avais surpris des relations coupables entre ma bru et mon mari. Ça me tourna la tête. Je ne savais plus ce que je faisais… Un jour, dans mon auberge, on s’entretenait de la manière de faire périr secrètement les petits enfants : on disait que les enfants ne souffraient pas, et que les aiguilles disparaissaient dans le corps. »Une excuse cousue de fil blanc que les jurés ne retiennent pas. La cour d’assises de Cahors condamne Sophie Gautié à être guillotinée devant son auberge. Le 3 janvier 1876, en fin d’après-midi, l’aubergiste est tirée de la prison de Cahors pour être amenée au Bourg en charrette. Le trajet prend neuf heures et demie. Durant tout ce temps, elle ne cesse de prier, encadrée par deux curés. La charrette arrive à destination avant le lever du soleil. La condamnée est amenée à l’école pour subir la toilette d’avant exécution. Le bourreau lui coupe les cheveux et découpe son col pour libérer le cou. Une foule de 4 000 curieux accueille l’infanticide. Elle est venue se repaître du hideux spectacle. Les insultes pleuvent. Une femme hurle : « Malheureuse, tu vas mourir, et tu seras bien reçue dans l’autre monde, tous tes enfants t’attendent. » Le bourreau l’empoigne, la ligote sur la bascule. Un de ses assistants vérifie que le cou est correctement placé. La lame chute. Elle est autrement plus efficace qu’une aiguille à tricoter. Le sang jaill...

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