Flanqué de Walon Green, l'ex-scénariste du western nihiliste La Horde sauvage de Sam Peckinpah (1969), Friedkin voit dans Sorcerer l'occasion unique d'un tournage sous la forme d'une grande aventure initiatique en pleine jungle, en même temps qu'une parabole mystique sur l'implacable destin. Sans oublier une dimension politique acerbe sur les agissements des multinationales américaines dans les pays en voie de développement. Les deux hommes vont donc ré-imaginer le canevas bien connu du Salaire de la peur sous une forme contemporaine, dans un récit d'une incroyable noirceur où quatre hommes issus de quatre pays différents (Mexique, Israël, France, Etats-Unis), vont se retrouver dans une bourgade misérable d'Amérique centrale pour fuir leurs turpitudes respectives. Tueur à gage (Francisco Rabal), terroriste (Amidou), escroc financier (Bruno Cremer), chauffeur pour la mafia irlandaise (Roy Scheider) : ces quatre anti-héros fugitifs et vivant désormais sous de fausses identités, seront désignés par la compagnie pétrolière locale pour transporter, à travers 300 kilomètres de jungle via deux camions tout terrain, plusieurs tonnes de dynamite afin d'éteindre l'incendie géant d'un puits de pétrole saboté.

Maladies, intoxications alimentaires, coups de sang fréquents de Friedkin envers son équipe (renvoyée en partie), ambiance à couper au couteau entre le réalisateur et sa star Roy Scheider, climat politique instable en République Dominicaine où sera tourné l'essentiel du film... Sorcerer empile la panoplie classique des avanies, pour un budget qui explosera vite à plus du double de sa facture initiale de dix millions de dollars. Friedkin y laissera sa santé, mais parviendra malgré tout au bout de l'épreuve avant de s'effondrer sur la ligne d'arrivée : celle de la sortie de Sorcerer, un mois après La Guerre des étoiles, en juin 1977. Pilonnée par la critique américaine qui la juge immorale et rasoir, l'odyssée à la fois spectaculaire, brutale et opaque de William Friedkin sera balayée au box office et fera brutalement tomber le cinéaste de son piédestal. L'écho ne sera pas vraiment meilleur à l'étranger... Encore aujourd'hui, ce Convoi de la peur maudit traîne une aura de diamant noir ignoré des foules mais, heureusement, il s'est tout de même vu réhabilité depuis une petite décennie par la cinéphilie. Le destin de ce voyage au bout de l'enfer vert refléta la fin des illusions pour le fameux Nouvel Hollywood et, bientôt, le bide de Friedkin allait être suivi d'autres désastres de cinéastes jusqu'au boutistes, que les foules allaient décider de ne pas suivre. 

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